Charte relations inter‑entreprises : vers un modèle responsable et digitalisé
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Olivier Audino
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Études de marché
Dans un contexte où la responsabilité sociétale et la performance économique sont étroitement liées, la Charte des relations inter-entreprises responsables, devenue en 2021 la Charte RFAR (Relations Fournisseurs et Achats Responsables), joue un rôle central dans l’évolution des pratiques d’achat. Elle encourage les entreprises à adopter des comportements plus éthiques et durables vis-à-vis de leurs fournisseurs. Cet article propose une version actualisée de la charte, enrichie de cas pratiques, d’une analyse comparative et d’une perspective digitale.
Évolution de la charte depuis 2010
Lancée en 2010 à l’initiative du Médiateur des entreprises et de la CDAF (Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France), la charte visait à instaurer une relation plus équilibrée entre clients et fournisseurs. En 2021, elle devient la charte RFAR, intégrant des dimensions ESG, de médiation proactive et de digitalisation des pratiques. En 2025, elle regroupe plus de 2 500 signataires, dont des acteurs publics comme France Travail ou la SNCF.
Les 10 engagements repensés pour 2025
Respect des délais de paiement, aligné avec la loi LME : chaque entreprise signataire s’engage à respecter les délais légaux de 30 ou 60 jours, avec un suivi mensuel automatisé des écarts. Cela permet de préserver la trésorerie des PME et d’éviter des tensions inutiles.
Construction de relations équilibrées, même en contexte de dépendance : une analyse des dépendances bilatérales est recommandée afin de sécuriser les relations commerciales, en particulier avec les fournisseurs critiques ou innovants.
Prise en compte du coût complet et du cycle de vie dans l’achat : au lieu de se concentrer uniquement sur le prix unitaire, les acheteurs doivent évaluer les coûts cachés (maintenance, recyclage, obsolescence) pour améliorer la durabilité des décisions d’achat.
Intégration de critères sociaux et environnementaux : cela passe par des grilles d’évaluation intégrant des indicateurs comme la consommation d’énergie, les conditions de travail, ou l’inclusion sociale dans les appels d’offres.
Contribution au développement des territoires : les signataires doivent privilégier les fournisseurs locaux ou les structures issues de l’économie sociale et solidaire (ESS), afin de favoriser l’emploi et les circuits courts.
Favoriser l’innovation et la co-construction avec les fournisseurs : la charte encourage l’organisation d’ateliers collaboratifs, de projets pilotes ou de contrats-cadres à clauses évolutives pour intégrer l’innovation de manière agile.
Renforcement de la fonction achat responsable : cela inclut la formation continue des acheteurs aux pratiques durables, à la réglementation (ex. devoir de vigilance) et à l’éthique des affaires.
Traçabilité et transparence des pratiques d’achat : des audits réguliers, des plateformes de partage d’information et des tableaux de bord RSE permettent de garantir une gouvernance claire.
Sensibilisation des collaborateurs : des campagnes internes, des modules e-learning et des actions de communication renforcent l’appropriation des valeurs de la charte au sein de l’entreprise.
Recours facilité au Médiateur des entreprises en cas de litige : les fournisseurs doivent être informés de l’existence du Médiateur dès le début de la relation contractuelle, avec des procédures de saisine simplifiées accessibles en ligne.
Digitalisation et reporting intégrés
Intégration dans les systèmes achats
Aujourd’hui, les engagements de la charte peuvent être intégrés directement dans les outils d’achat (ERP, SRM, plateformes de sourcing). Cela permet un suivi automatisé de :
L’évolution des délais de paiement
Le nombre de litiges actifs ou résolus
Les scores RSE des fournisseurs
L’usage des critères ESG dans les appels d’offres
Des dashboards permettent de générer des reportings à destination des instances de gouvernance ou des auditeurs.
Rôle opérationnel du Médiateur des entreprises
Un dispositif accessible et rapide
Le Médiateur des entreprises intervient comme tiers de confiance pour résoudre les conflits entre acheteurs et fournisseurs. Son rôle a été renforcé avec :
Un portail de saisine en ligne simplifié
Des délais moyens de traitement réduits à 20 jours
Un taux de résolution amiable supérieur à 75 %
Des recommandations transmises aux directions achats
Cette approche garantit une plus grande équité dans les relations commerciales, sans recours judiciaire.
Comparatif : charte initiale vs charte RFAR 2025
Critère
Charte initiale (2010)
RFAR 2025 digitalisée
Processus de paiement
Engagement moral
Suivi automatisé des délais via plateforme
Reporting RSE
Reporting ponctuel
Reporting ESG continu lié aux achats
Collaboration fournisseurs
Encouragée mais non structurée
Conventions collaboratives et co-innovation
Traitement des litiges
Manuel, long
Médiation digitalisée, taux >75 % en résolution
Visibilité des engagements
Limitée
Accessible via ERP / tableau de bord achats
Cas client : France Travail
Une démarche structurée et mesurable
En 2025, France Travail rejoint les signataires de la charte RFAR. L’organisme public a mis en œuvre :
Un indicateur de performance des délais de paiement fournisseurs
Une politique d’inclusion des PME et structures de l’économie sociale
L’intégration des critères RSE dans 100 % des appels d’offres
Une collaboration renforcée avec les plateformes de médiation
Résultat : le taux de satisfaction fournisseurs a progressé de 22 % en un an.
Bonnes pratiques à adopter
Cinq leviers pour réussir la mise en œuvre
Former acheteurs & prescripteurs à la charte dès leur intégration : chaque nouvel arrivant au sein de la fonction achats devrait bénéficier d’une session dédiée à la charte RFAR, intégrant cas pratiques, obligations légales et enjeux stratégiques.
Instaurer un tableau de bord interne pour suivre les engagements : un outil de pilotage visuel (type Power BI ou ERP intégré) permet de mesurer en continu les indicateurs clés : délais de paiement, pourcentage de fournisseurs évalués, taux d’intégration des critères RSE, etc.
Évaluer annuellement la maturité achats responsables : un diagnostic structuré (ex. grille d’autoévaluation ISO 20400) permet d’identifier les axes d’amélioration en termes de gouvernance, de pilotage des risques et de contribution sociétale.
Intégrer les auto-positionnements fournisseurs dans le SI Achats : les fournisseurs peuvent renseigner leurs engagements et certifications RSE via un portail dédié, ce qui facilite le scoring et la conformité aux référentiels internes.
Collaborer avec des experts RSE pour auditer les pratiques : l’intervention de tiers indépendants permet de renforcer la crédibilité de la démarche et d’identifier les points de non-conformité ou de progrès dans la relation fournisseur.
FAQ
Qu’est-ce que la charte RFAR ?
C’est une charte d’engagement volontaire qui vise à instaurer des relations responsables entre clients et fournisseurs.
Qui peut signer la charte RFAR ?
Toute entreprise ou entité publique souhaitant formaliser ses engagements éthiques dans la gestion des achats.
Comment est utilisée la charte RFAR dans les ERP ?
Elle est traduite sous forme d’indicateurs intégrés aux modules achats, pour un suivi continu.
Le label RFAR est-il obligatoire ?
Non, mais il renforce la crédibilité de la démarche achats responsables de l’entreprise.
Conclusion
La charte RFAR n’est plus un simple engagement moral : c’est un outil stratégique intégré à la gouvernance achats des organisations. Elle permet non seulement de sécuriser les relations fournisseurs, mais aussi de valoriser la performance extra-financière dans une logique d’achat durable. Son avenir réside dans son articulation avec la norme ISO 20400 et les plateformes e-procurement intelligentes.